Emmaus International

Dans une série d’interviews, Emmaüs International souhaite partager le point de vue de ses membres sur la pandémie Covid-19 et ses impacts sur le Mouvement à travers le monde. La parole est donnée à Poppy John Xavier, coordinatrice d’équipe à Kudumbam (Inde). Nous l’avons interrogée sur la manière dont son groupe arrive à poursuivre ses projets en période de crise, sur les nouvelles formes de solidarité qui émergent en Inde ainsi que sur l’agroécologie comme moyen de lutte contre la pauvreté.

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Kudumbam mène des actions de micro-crédit et de promotion de l'agriculture durable dans le sud de l’Inde. Comment se passe le travail en cette période de crise et de confinement, dans quelle mesure arrivez-vous à poursuivre vos projets ?

Située dans le sud de l’Inde, l’association Kudumbam organise des formations à l’agriculture durable depuis 1982. Depuis 2015, nous nous sommes engagés dans un programme de microcrédit. En collaboration avec NABFINS (National Bank Financial Services [une filiale de la Banque Nationale pour l’Agriculture et le Développement Rural]), nous avons mis sur pied 1 603 groupes de femmes (8 500 emprunteuses). Pendant la période de confinement, tous les versements mensuels ont été suspendus, conduisant à l’affaiblissement des revenus provenant des frais de service des emprunteurs. Grâce au soutien d’urgence d’Emmaüs international, nous avons pu retrouver la confiance nécessaire pour surmonter cette crise et construire un monde meilleur. Par le biais de notre équipe de terrain, nous avons pu créer des liens avec nos emprunteurs agricoles afin de distribuer de la nourriture et des légumes aux personnes vulnérables.

Les aides publiques sont quasi inexistantes en Inde, surtout pour les personnes qui travaillent dans le secteur informel. Comment les populations locales traversent-elles cette période de crise ? Est-ce que de nouvelles formes de solidarité se mettent en place ?

Face à une catastrophe telle que la pandémie de covid-19, les plus pauvres des pauvres sont les plus affectés, tandis que les personnes âgées sont abandonnées et laissées pour mortes. Kudumbam a pu mobiliser des fonds provenant de partenariats locaux, qui ont contribué au soutien de 200 familles par le biais de kits de secours contenant des denrées alimentaires. Kudumbam continue de mobiliser un soutien supplémentaire pour étendre sa solidarité à davantage de personnes dans le besoin pendant cette période de crise.

Emmaüs International porte depuis longtemps la revendication d’une gestion commune des biens avec les plus exclu.e.s pour l’accès aux droits fondamentaux et le respect de l’environnement. L’Inde fait partie des pays où les groupes Emmaüs mettent en place une agro-écologie comme moyen de lutte contre la pauvreté, pour un droit à une alimentation saine. Qu’est-ce que la pandémie nous apprend sur l’importance de cette revendication ?

L’agriculture en Inde est vieille de plus de 1000 ans. Le changement d’une agriculture intégrée à un régime de monoculture s’est opéré en 70 ans. Nous avons donc perdu notre terre, notre eau et avons détruit notre environnement. Aujourd’hui, les entreprises multinationales prétendent que les semences OGM et l’agriculture industrielle sont les seules alternatives, remettant en question l’existence même des petits agriculteurs. Notre parole politique doit remettre en cause les politiques agricoles non durables. Nous devons dénoncer les pratiques de l’industrie agro-alimentaire, tant à l’échelle locale que par le biais d’un lobbying global auprès des autorités et des institutions, ce qui déterminera si nous adoptons une approche conflictuelle ou plus douce.